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Un portrait dessiné à la main de la tête et les épaules de Kristen Wilson aux longs cheveux lisses.

Cartographie télédétectée par satellites

La télédétection est une technologie qui capte à distance des caractéristiques sur la surface de la Terre. La lumière du soleil qui se reflète sur le fond marin est enregistrée par les satellites. Les satellites sont donc capables de créer une image du monde qui nous entoure. La même technologie peut servir à créer des cartes des habitats côtiers dominés par la végétation. Nous pouvons distinguer des endroits sous l’eau de zostères, des lits d’ascophylle et des forêts de varechs. Ces cartes influencent les décisions prises pour la conservation, comme les zones marines de protection. Elles nous aident aussi à gérer les récoltes d’algues d’importance commerciale, comme l’ascophylle.

Plongez plus profondément

Entrevue des technologies

Que sont les “forêts sous-marines” et pourquoi sont-elles importantes?

Les forêts d’algues et de zostères sous-marines entourent nos côtes. Ces écosystèmes sont les habitats de plusieurs autres espèces. Ils emmagasinent le carbone, recyclent les éléments nutritifs et protègent les côtes contre l’érosion. En Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, l’ascophylle (Ascophyllum nodosum) est l’algue dominante de la zone intertidale. Le fucus (espèces Fucus) peut prendre le dessus dans les régions exposées aux vagues. Dans la zone infralittorale, la zostère marine (Zostera marina) et le varech sont les principales espèces qui forment les habitats. Ces forêts sous-marines jouent une grande variété de rôles écologiques. Les gens peuvent en récolter pour des fins commerciales. Pour les comprendre et les gérer, nous avons besoin de créer des cartes de distribution.

En quoi consiste la télédétection en eau peu profonde?

La télédétection en eau peu profonde est un outil pratique pour cartographier les habitats côtiers. La lumière du soleil ou le rayonnement solaire est composé d’un spectre de différentes longueurs d’onde. Elles vont de l’ultraviolet (longueur d’onde de 290 à 380 nanomètres) à la lumière visible (longueur d’onde de 380 à 700 nanomètres) puis à l’infrarouge (longueur d’onde de 700 nanomètres à 1 millimètre). Toutes les surfaces et les objets sur la terre absorbent, canalisent ou réfléchissent cette lumière. Par exemple, plusieurs plantes et algues absorbent la lumière rouge et bleue, mais elles réfléchissent la lumière verte et celle qui est presque infrarouge. Parce que nous ne pouvons pas voir la lumière infrarouge, c’est la lumière verte réfléchie qui la rend verte à nos yeux.

Quelle est la signature spectrale et comment l’utilisons-nous pour créer des cartes?

Chaque surface et chaque objet ont une combinaison unique de niveaux d’absorption et de réflexion que l’on nomme une signature spectrale. Les endroits ayant le même type d’habitat de fond marin ont la même signature spectrale parce qu’ils réfléchissent la lumière de la même façon. Par exemple, les algues absorbent beaucoup de lumière visible que le sable réfléchit (des longueurs d’onde bleue, verte et rouge). Le montant de lumière réfléchie est donc bien moindre pour les habitats d’algues que pour le sable. Nous utilisons des satellites pour mesurer le montant de lumière réfléchie des fonds marins. Nous pouvons cartographier les habitats des fonds marins à partir de ces signatures spectrales.

Illustration de différentes catégories de rayonnement dans le spectre électromagnétique.

Le spectre électromagnétique. (Photo: Creative commons EM Spectrum par Philip Ronan sous licence de Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0.)

Quels problèmes cette technologie peut-elle avoir?

La télédétection à travers l’eau est plus compliquée que la télédétection sur terre. Sur terre, la lumière voyage du soleil à la surface de la Terre et ensuite, quand elle retourne au satellite, elle passe à travers l’atmosphère. Pour créer une image du fond marin, la lumière doit donc passer à travers la surface de la mer et de la colonne d’eau avant d’être enregistrée par le satellite. Ceci affecte la vitesse, la force et la direction des longueurs d’onde. Parce que la signature spectrale est modifiée, nous devons faire des corrections pour enlever ces modifications. Ensuite, nous pouvons attribuer une signature à un type d’habitat. Les scientifiques cherchent un meilleur moyen d’effectuer ces corrections.

Existe-t-il des limites sur ce que vous pouvez cartographier?

Dans les eaux bleues limpides des mers des Bahamas ou de la Méditerranée, les satellites peuvent prendre des images du fond marin jusqu’à 40 mètres de profondeur. En Nouvelle-Écosse, les eaux sont moins limpides et les satellites peuvent seulement prendre des images du fond marin jusqu’à environ 10 mètres de profondeur. Dans la baie de Fundy, le taux élevé de sédiments dans l’eau (vase, sable, etc.) réduit encore plus la clarté de l’eau, donc à ces endroits, les satellites peuvent seulement mesurer les habitats de fonds intertidaux à marées basses.

Quelle quantité d’information obtenez-vous des satellites?

Plusieurs différents satellites en orbite autour de la planète peuvent prendre des images des régions côtières. Ils ont des résolutions spatiales et spectrales qui varient. La résolution spatiale correspond à la quantité de détails visibles sur une image. Nous la mesurons comme étant une superficie sur le terrain qui correspond à la taille d’un pixel dans l’image : plus la superficie est grande, plus la résolution est basse. La résolution spectrale correspond au nombre de gammes de longueurs d’onde uniques qu’un satellite peut mesurer.

Où prenez-vous vos données de satellites?

Les deux satellites qui offrent des données gratuites sont le Landsat series et le Sentinel-2. Ils prennent des images des mêmes endroits sur terre tous les 16 et 5 jours respectivement. Le Landsat series opère depuis les années 1980. Sa meilleure résolution spatiale est de 30 mètres. Ceci veut dire qu’un pixel du Landsat correspond à une superficie sur le terrain de 30 mètres de long par 30 mètres de large. Le Sentinel-2 opère depuis 2015. Sa résolution spatiale est plus haute de 10 mètres. Plusieurs satellites commerciaux offrent des données plus élevées de résolution spatiale (moins d’un mètre pour certains d’entre eux). Pour les utiliser, il faut commander et payer des images des régions qui vous intéressent. J’utilise les données gratuites du Sentinel-2 et je paye les images commerciales du Worldview-2 et du Worldview-3.

L’image en fausses couleurs de la pointe Green’s Point par satellite.

Cette image a été prise par le satellite Sentinel-2A. C’est une image en fausses couleurs. Les images en fausses couleurs utilisent des longueurs d’onde non visibles et visibles. On assigne une couleur à chaque longueur d’onde. Dans ce cas, l’infrarouge est en rouge, le vert est en bleu et le rouge est en vert. Dans cette image, la végétation parait en rouge pour voir les masses d’algues beaucoup plus clairement. (Photo: image du Copernicus Sentinel-2A (ESA) avec permission de l’European Space Agency – ESA, 9 août 2020)

Comment faites-vous les cartes de distribution des habitats d’algues et de zostères?

Pour créer des cartes de distribution des habitats, il faut que je fasse le sondage des données des satellites, la vérité terrain. Nous utilisons des plongeurs soit avec tuba soit avec des bouteilles d’air ou encore un bateau équipé d’une caméra par-dessus bord pour voir, selon des coordonnées GPS précises, quel habitat se trouve sur le fond marin. Ces informations servent à assigner des signatures spectrales du satellite aux types d’habitats sur le fond. Elles servent aussi à vérifier si nos suppositions, faites à partir des données du satellite, sont justes.

Comment identifiez-vous les différents types d’habitats?

Pour classer les habitats intertidaux, je peux utiliser l’indice de végétation par différence normalisée (NDVI). Je me sers aussi de cet indice pour les plantes terrestres. Son calcul est fait par l’analyse de la quantité de lumière presque infrarouge et rouge présente, pour obtenir une valeur entre -1 et +1. La végétation en vigueur a souvent des valeurs NDVI plus élevées. Par contre, nous ne pouvons pas utiliser l’indice pour les habitats sous-marins parce que l’eau affecte le signal spectral. Pour ces habitats, nous utilisons les points vérifiés sur le terrain en configurant l’ordinateur à créer un algorithme (une série de règles). Il peut ensuite l’utiliser pour reconnaitre les différents habitats à partir de leur signature spectrale. Nos cartes de distribution des habitats appuient la surveillance et la gérance des habitats d’algues et de zostères en Nouvelle-Écosse.

Une photo d’un plongeur à tuba examinant la forêt d’ascophylle.

Ce plongeur à tuba détermine si les suppositions faites à partir des données du satellite sont justes. (Photo: Kristen Wilson)