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Un portrait dessiné à la main de la tête et les épaules de Moira Brown aux cheveux longs et portant des lunettes.

Moira Brown,
scientifique de mammifères marins

Moira Brown est une scientifique de l’Institut canadien de la baleine. Elle étudie les baleines franches de l’Atlantique Nord tout en travaillant avec d’autres scientifiques de diverses industries et avec le gouvernement, pour trouver des moyens de protéger cette espèce menacée.

Plongez plus profondément

Entrevue des carrières en sciences marines

Quelles tâches faites-vous?

Je suis la scientifique principale de l’Institut canadien de la baleine à l’Île Campobello, au Nouveau-Brunswick. Je suis aussi une scientifique honoraire du centre Anderson Cabot Center for Ocean Life, au New England Aquarium à Boston, au Massachusetts. Je suis spécialiste des baleines franches de l’Atlantique Nord, et je les étudie également en mer. Je travaille étroitement avec les universités et les groupes gouvernementaux du Canada pour protéger les baleines. Nous collaborons avec les industries marines, les gouvernements et d’autres parties intéressées afin de développer, d’exécuter et d’observer les méthodes de protection. Nous espérons que ces moyens protègeront les baleines franches contre les décès causés par les humains.

À quoi ressemble votre journée typique?

Ma journée typique consiste à travailler avec des collaborateurs sur différents sujets qui se rapportent à la baleine franche. Les deux problèmes majeurs de la baleine franche sont les collisions avec les navires et l’emmêlement avec les équipements de pêche. Nous travaillons à réduire ces risques. Mes efforts se concentrent sur les communautés des baleines en eaux canadiennes. Je suis membre de l’équipe de sauvetage des baleines de Campobello qui développe des cours d’entrainement pour enseigner aux gens comment agir face à une baleine emmêlée. J’écris des rapports qui sont publiés sur les résultats de mes travaux de recherches. Je développe aussi des propositions de projets pour maintenir le financement qui soutient les programmes de recherche et de conservation.

Travaillez-vous avec une grande diversité de personnes?

Oui, il existe plusieurs équipes de scientifiques qui étudient les baleines franches de l’Atlantique Nord notamment, des agents de conservation, des pêcheurs, des agents de transport, des enseignants et des dirigeants gouvernementaux. Nous nous rassemblons une fois par an sous l’égide de l’organisme North Atlantic Right Whale Consortium, pendant lequel nous enseignons les nouveautés scientifiques, les progrès de la conservation et d’autres sujets (www.narwc.org). Au Canada, l’Institut canadien de la baleine collabore avec les chercheurs des universités Dalhousie, Saint Mary’s et l’Université du Nouveau-Brunswick à Saint John (UNBSJ). Nous travaillons aussi avec plusieurs autres organisations non gouvernementales, comme la Marine Animal Response Society (N.-É.) le Centre de recherche sur la vie marine de Grand Manan (CRVMGM), le Sauvetage de baleines de Fundy Est et l’Équipe de désempêtrement du Golfe (une équipe d’apprentissage pour le sauvetage des baleines, basée à Shippagan, N.-B.)

Moira Brown à bord d’un petit bateau, observant de près une baleine franche à la surface de l’eau.

Moira observe de près une baleine franche

Quelle partie de votre travail est la plus agréable?

Il y a quatre choses que je préfère dans mon travail. Premièrement, c’est travailler avec des gens de différentes industries et des groupes divers. Je collabore avec des représentants d’industries, des capitaines de navires et des pêcheurs, et avec le gouvernement du Canada. Je les encourage à prendre une plus grande responsabilité envers les baleines pendant leurs activités marines quotidiennes, surtout les baleines franches. J’aime aussi être en mer, passer du temps avec les baleines franches et apprendre un peu plus sur leur cycle de vie et leurs comportements. De plus, j’aime bien travailler avec des collaborateurs sur les toutes nouvelles technologies acoustiques. Je veux m’en servir pour repérer les baleines franches sous l’eau et pour voir si ces technologies peuvent nous aider à créer des plans de conservation. Le travail avec l’équipe de sauvetage des baleines de Campobello est la quatrième chose que j’aime beaucoup. Ces pêcheurs se lancent en action lorsqu’une baleine est emmêlée, en coupant les cordes pour la libérer. C’est très satisfaisant de travailler avec eux.

Une photo de l’équipe de sauvetage des baleines de Campobello sur un petit bateau, essayant de libérer une baleine franche emmêlée dans des cordes.

Moira au travail avec l’équipe de secours Campobello Whale Rescue pour libérer une baleine franche emmêlée. (Photo: Anderson Cabot Centre for Ocean Life, New England Aquarium)

Qu’est-ce qui vous a inspirée à travailler dans ce domaine?

J’ai obtenu mon baccalauréat en éducation de l’Université McGill et j’ai ensuite travaillé comme professeure d’éducation physique pendant quatre ans, avant de retourner à McGill pour obtenir un baccalauréat en Sciences. Après avoir terminé un contrat de travail pour des scientifiques du département de Pêches et Océans Canada, ils m’ont recommandé de travailler en mer sur les mammifères marins pour avoir plus d’expériences avec des baleines. Je me suis donc portée volontaire en 1985 au New England Aquarium (à Boston, au Massachusetts) à leur station d’observation de Lubec, au Maine, sur la baie de Fundy.

Comment avez-vous obtenu votre poste actuel?

Lorsque j’ai découvert le manque de financement pour les études sur les baleines franches en mer canadienne, je me suis associée avec des collègues et nous avons formé une organisation à but non lucratif. Au cours des années suivantes, j’ai dû rédiger des propositions, des études marines, des rapports et faire des publications. J’ai pu enfin terminer mes études doctorales à l’Université Guelph. J’ai été professeure au College of the Atlantic (à Bar Harbor, au Maine) pendant trois ans, après cela, j’ai repris les projets de recherches à temps plein au Center for Coastal Studies (à Provincetown, au Massachusetts) pendant les sept années suivantes. J’ai ensuite travaillé au New England Aquarium pendant 15 ans. De retour au Canada en 2016, j’ai travaillé à temps plein pour la Canadian Whale Institute. J’ai plus de 30 ans d’expérience à travailler avec les baleines franches et sur les moyens de réduire les impacts humains qui empêchent leur population de se maintenir.

Pourquoi ce domaine est-il si important?

L’étude des mammifères marins est un domaine passionnant en pleine expansion. Au cours des quatre dernières décennies, les projets d’études se sont grandement multipliés. Les chercheurs considèrent maintenant les baleines comme étant des ingénieurs d’écosystèmes qui recyclent les éléments nutritifs tout en augmentant la productivité primaire des écosystèmes marins qui soutiennent la pêche. Il y a un grand besoin d’études, surtout au sujet des espèces à risque, pour nous aider à prendre les bonnes démarches à suivre pour les protéger. Quant aux espèces menacées et celles qui ne sont pas en danger, les nouvelles technologies peuvent nous aider à en apprendre davantage sur ces animaux discrets ainsi que les menaces qui les guettent et comment améliorer leurs chances de survie.

Avez-vous des conseils pour ceux et celles qui voudraient travailler avec les baleines?

Il existe plusieurs façons de participer aux projets de recherche sur les mammifères marins : les études en mer, la biologie de leur cycle de vie, le travail en laboratoire sur les analyses biochimiques et acoustiques, la pathologie vétérinaire, l’océanographie biologique et physique, le comportement animal, la modélisation des populations, et les technologies telles que la surveillance par satellite et l’utilisation des drones. Ce genre de travail exige des études en sciences, en technologie, en ingénierie, ou en mathématiques. Il est possible de travailler dans ce domaine avec un diplôme en éducation, en politique marine et en gestion des ressources, et même en tant que conservateur de musée ou archiviste.

Qu’est-ce qui vous a inspirée à travailler en biologie marine?

J’étais très curieuse au sujet de l’environnement marin et ça m’a inspirée à me lancer dans ce domaine. C’est un grand privilège d’être capable de travailler dans un domaine qui vous intrigue, car l’apprentissage n’arrête jamais. Il y a tellement de gens qui écrivent sur ce que les océans avaient à nous offrir dans le passé. Je m’inspire du fait que nous devons être plus responsables des océans et de leurs habitants. Nous avons besoin de nous engager pour que les générations futures puissent aussi en profiter.

Pourquoi le bassin de Grand Manan était-il si important pour les baleines franches?

Nous savons que le bassin de Grand Manan était un endroit saisonnier important où les baleines franches se nourrissaient. Elles s’y regroupaient l’été et l’automne pour se nourrir de plancton : le copépode Calanus finmarchicu est à la base de leur diète. Les courants de la baie de Fundy rassemblent les copépodes en denses étendues, mais dans les 10 dernières années depuis que les eaux se sont réchauffées, de moins en moins de baleines franches se rendent au bassin de Grand Manan. Les concentrations de plancton ont beaucoup diminué, trop peut-être pour fournir assez de nourriture pour les baleines franches.

Où les baleines franches se retrouvent-elles maintenant?

Au moins la moitié des baleines ont changé d’habitats habituels de la fin du printemps, de l’été et de l’automne, se dirigeant vers des habitats plus au nord, jusqu’au golfe du Saint-Laurent. Nous pouvons identifier les baleines franches individuelles par leurs marques distinctives (rwcatalog.neaq.org). Nous prenons des photos et nous enregistrons l’endroit où nous avons aperçu certaines baleines. C’est au fur et à mesure que le temps passe que nous verrons si le plancton et les baleines franches reviennent au bassin de Grand Manan aussi nombreux qu’auparavant. Vous pouvez en savoir plus sur les déplacements des baleines franches sur WhaleMap.

Quelles situations les baleines franches affrontent-elles? Comment pouvons-nous aider à les protéger?

Les deux situations les plus critiques pour les baleines franches de l’Atlantique Nord sont les collisions avec les navires et l’emmêlement dans l’équipement de pêche fixe qui peuvent causer des blessures graves ou même la mort. Des baleines franches répertoriées, 86 % ont été emmêlées au moins une fois dans l’équipement de pêche, et 50 % des baleines, deux fois. Les femelles adultes qui ont déjà été emmêlées prennent plus de temps à se reproduire que les autres femelles. Nous devons réduire l’impact des activités humaines sur les baleines franches. Les scientifiques ont travaillé avec les pêcheurs, les exploitants de navires et les gouvernements pendant des décennies pour développer et établir des plans de protection, entre autres, le déplacement des voies maritimes pour s’éloigner des regroupements de baleines, ou la réduction des vitesses des navires dans les zones où les baleines sont plus nombreuses. Ces plans pourraient réduire les risques de collisions entre les baleines et les navires. Les gouvernements pourraient aussi demander des modifications de l’équipement de pêche ou fermer les zones de pêche pour prévenir les emmêlements.

Les mesures de protection fonctionnent-elles?

Nous avons fait du progrès par rapport aux collisions avec les navires, mais les emmêlements continuent d’être des menaces sérieuses pour la survie des baleines franches. Au courant de la dernière décennie, les baleines franches ont migré vers des zones qui sont sans mesures de protection. Les changements climatiques sont probablement la raison de cette migration. En 2017, les baleines franches ont subi un taux inhabituel de mortalités, avec 12 décès dans le golfe du Saint-Laurent et 5 autres dans les eaux américaines. On a pu identifier que les baleines mortes étaient entrées en collision avec un navire ou devenues emmêlées dans l’équipement de pêche. Le gouvernement a mis en place plusieurs mesures de conservation pour protéger les baleines franches, et les marins les ont respectées. Ces mesures sont adaptées au fur et à mesure que nous en apprenons davantage. Nous avons encore beaucoup de travail sur la planche, mais nous espérons être capables de réduire, et enrayer définitivement l’impact négatif que les humains ont sur les baleines franches et les autres animaux marins.

Photo gros plan d’un dos de baleine franche emmêlée dans une corde verte et une bouée orangée .

Les emmêlements causent des problèmes sérieux pour les baleines franches. (Photo: L’équipe de secours Campobello Whale Rescue Team de l’Institut canadien de la baleine.)