Peter Lawton,
écologiste benthique
Peter Lawton est un scientifique de recherche avec Pêches et Océans Canada, où il étudie et cartographie les espèces qui vivent au fond de l’océan. Durant ses plongées marines, il utilise un système de caméras qui sont déployées à la surface pour étudier les eaux peu profondes des côtes. Il participe aussi aux missions au large pour découvrir les régions très profondes qui n’ont jamais été explorées.
Plongez plus profondémentEntrevue des carrières en sciences marines
Quelles tâches faites-vous?
En tant que scientifique de recherche avec Pêches et Océans Canada à la Station Biologique de St Andrews au Nouveau-Brunswick, j’étudie les environnements marins de la baie de Fundy et du golfe du Maine. Je fais carrière ici depuis 35 ans, sauf pendant une période de 3 ans lorsque j’ai travaillé dans une université de l’état de New York.
Sur quoi avez-vous travaillé en début de carrière?
Durant les années 1990 et le début des années 2000, j’ai travaillé avec les homards et les crabes, deux espèces qui sont pêchées de façon commerciale dans la région. J’ai fait de la recherche sur leur biologie et leur écologie, et j’ai étudié où ils vivent et si les activités humaines dans les océans, y compris la pêche et l’aquaculture, avaient un impact sur leurs populations. J’ai utilisé ces informations pour conseiller les pêcheurs et les gestionnaires des pêches par rapport à la gestion des stocks de poissons. Il a fallu que je présente mes conseils et que je réponde aux questions des gens de l’industrie et des actionnaires en leur montrant la science qui a inspiré mes idées.
Votre travail se concentre sur quel projet maintenant?
À partir du milieu des années 2000 jusqu’à ce jour, mon travail de recherche et en tant que conseiller scientifique a évolué et je me concentre maintenant sur la distribution des différentes espèces dans les océans. J’étudie comment les caractéristiques physiques des fonds marins influencent où se trouvent certaines espèces. C’est un des aspects de la recherche qu’on appelle la cartographie des habitats marins.
Le Canada est en train d’essayer de protéger la biodiversité marine de ses océans. Une des options de solution est de créer des zones de protection marines pour les aires dont les caractéristiques spéciales dénotent la présence de populations d’espèces rares ou importantes. Ces zones protègeraient aussi les différents types d’habitats. Mes cartes d’habitats marins offrent des renseignements qui aident le développement de ces zones.
Pourquoi la cartographie des habitats des fonds marins est-elle importante?
Il est plus facile de protéger des zones sur la terre ferme. Les efforts pour commencer le travail d’évaluation scientifique sont difficiles, mais les régions terrestres sont au moins accessibles. En effet, nous pouvons voir chaque arbre et reconnaître où la forêt commence et où elle finit. La technologie nous a aidé avec ce travail, car autrefois, nous utilisions des observations aériennes tandis que maintenant, des drones survolent les terres et nous obtenons des images satellites à plus haute résolution.
Dans le cas des océans, c’est au cours des 10 ou 20 dernières années seulement que la technologie s’est développée suffisamment pour enfin offrir une carte similaire des habitats des fonds marins. Les scientifiques font des observations à partir de navires qui lancent des signaux acoustiques ou sonars. Ces signaux traversent la colonne d’eau, rebondissent sur le fond marin et retournent au navire. Ces “sondages” indiquent la profondeur de l’eau à des endroits précis et ils fournissent une idée du genre de substrat au fond (une vase mobile ou une roche dure). Nous pouvons désormais produire des cartes de fonds marins qui ressemblent aux cartes terrestres.
Une fois que nous connaissons la profondeur, la forme et le genre de substrat d’un fond marin, nous commençons à observer où se trouvent certaines espèces marines. Habitent-elles sur des fonds de sable ou de vase? Sur des roches plates ou sur les falaises escarpées? C’est à ces moments-là que mon travail contribue des renseignements à l’ensemble des recherches. Nous pouvons confirmer la présence d’espèces dans des régions précises à partir de ce que nous observons durant la plongée, ou en regardant les photos et les vidéos du fond marin. Nous pouvons ensuite utiliser ces informations pour prédire où nous pourrions trouver d’autres espèces.
À quoi ressemble votre journée typique?
Cela dépend du moment que vous me posez la question! Chaque année, de mai à octobre, il est très probable que je me prépare pour faire des sondages le long des côtes ou plus au large, ou je suis peut-être déjà en route.
Si vous venez me voir durant les mois d’hiver, ma journée est très différente, car je suis plus souvent au bureau, à analyser des données et à rédiger des rapports de recherche. Je m’amuse aussi en apprenant à utiliser un nouvel ordinateur ou l’équipement de caméra que je crois utiliser au cours de l’été suivant pour des projets de recherche en mer.
Quel est le but de votre projet de recherche côtière?
Pour mes études côtières, il est possible que je contrôle notre navire spécialement conçu pour le sondage durant les plongées avec mes partenaires. Un autre jour, je serai peut-être à bord notre navire de recherche de la Garde côtière locale, à faire des sondages sur les fonds marins qui sont trop profonds pour faire des plongées sécuritaires. À ces moments-là, notre équipe marine utilise un système de sondage vidéo spécialement conçu pour les fonds marins. Ce système électronique est très perfectionné! Nous devons souvent faire du dépannage de divers problèmes de connexions et de bris d’équipements. Ces jours-là, je travaille plus souvent comme technicien de logiciel ou d’électronique plutôt que comme scientifique.
Travaillez-vous aussi dans les eaux plus profondes?
Oui, pendant de longues périodes, je participe aussi à des missions de recherche en explorant des fonds marins en haute mer, au large des côtes canadiennes et américaines. Ces projets sont de grandes missions de collaboration qui prennent un an ou plus à coordonner, et qui durent souvent de deux à trois semaines. Au cours de ces missions, j’ai eu l’occasion de visiter des endroits jamais encore explorés, comme des canyons au large de la Nouvelle-Angleterre.
Ces projets sont passionnants, car j’ai la chance de travailler avec des équipes de recherche universitaires, et j’aide à guider la prochaine génération de scientifiques marins.
Quelle partie de votre travail est la plus agréable?
Au cours de ma carrière, j’ai pu utiliser une variété de logiciels, de systèmes photographiques et la vidéo pour explorer le monde sous-marin. Souvent, j’étais le premier scientifique du département à essayer une nouvelle technologie. Par contre, le travail n’est pas sans problèmes. En effet, comme l’a déjà dit un membre du support logiciel quand ma caméra s’est brisée, « C’est fantastique d’être au sommet du progrès, mais c’est tout aussi facile d’en tomber ».
J’ai aussi eu l’occasion de travailler à partir du rivage et dans des eaux de plus de trois kilomètres de profondeur! J’ai vu de mes propres yeux la complexité et la beauté du monde sous-marin, mais j’ai également vu l’impact de certaines activités humaines, comme l’aquaculture côtière, le traitement des déchets dans les océans, et la pêche.
J’aime aussi travailler avec la nouvelle génération de scientifiques. Je suis engagé dans plusieurs grands réseaux de recherche au Canada et ailleurs, et grâce à ces réseaux, j’ai été capable de guider de jeunes scientifiques qui développent des approches innovatrices.
Quelle compétence est importante pour votre travail? / Comment avez-vous obtenu ce poste?
J’ai fait mes études primaires au Royaume-Uni et j’ai développé un intérêt pour la science des pêches. Les travaux de recherche que les scientifiques canadiens entreprenaient m’ont impressionné. J’ai compris qu’il me fallait un diplôme d’études supérieures pour travailler dans d’autres pays, donc j’ai entrepris des études doctorales, puis j’ai écrit aux scientifiques du Canada pour savoir s’il était possible d’avoir une bourse postdoctorale d’une durée entre un et trois ans. Vous travaillez dans une université ou un laboratoire de recherche gouvernemental pour améliorer vos compétences. J’ai eu des bourses au Canada et aux États-Unis avant d’avoir le poste permanent avec Pêches et Océans Canada.
J’ai appris à faire de la plongée marine lors de ma première session de travail à St Andrews. La plongée a pris une place de choix dans mes programmes de recherche. Une de mes études locales en plongée vient de terminer trente ans consécutifs d’échantillonnage.
Avez-vous des conseils pour ceux et celles qui voudraient travailler dans ce domaine?
Selon votre niveau d’intérêt scolaire et de vos ambitions, une bonne façon de commencer est d’obtenir un premier diplôme et ensuite un second.
Il est très important d’avoir de bonnes compétences pratiques et d’être capable de résoudre des problèmes. Avec toutes les technologies avancées actuelles, c’est facile de s’attendre à leur fonctionnement idéal, puis de baisser les bras lorsqu’elles se brisent. Il n’est pas toujours possible de faire une réparation majeure d’équipements complexes, même si souvent, la cause du problème et sa solution sont très simples.
Je dirais surtout que la persévérance est ce qui vous mènera au but. J’ai mis beaucoup d’effort à planifier les prochaines étapes de ma carrière. J’ai donc contacté des gens et nous avons parlé des différentes façons possibles de travailler ensemble sur des problèmes en communs.
Qu’est-ce qui vous a inspirée à travailler en biologie marine?
Durant mes études secondaires au Royaume-Uni, mes cours préférés étaient la biologie et la géographie. Dans les deux cas, les élèves avaient la chance de faire des excursions scolaires d’une semaine, pendant lesquelles nous devions entreprendre, entre autres, notre propre projet de recherche. Durant une sortie de biologie marine, j’ai étudié la forme de la coquille d’une espèce marine locale, qu’on appelle patelle. J’ai exploré comment la forme de la coquille varie selon son environnement. Les coquilles sont en forme de cône dont l’angle et l’épaisseur varient selon leur degré d’exposition à l’action des vagues. C’est un aspect de la science qu’on appelle la biomécanique. J’ai trouvé ce sujet très intéressant, et durant mon projet de recherche doctoral, je l’ai étudié un peu plus, ainsi que la façon dont les crabes et les homards se nourrissent de proies à coquilles. Évidemment, l’autre facette de mes premières études était d’essayer de comprendre quel effet l’environnement avait sur les modes de survie des animaux et de quelle façon la disponibilité de différents types d’habitats affecte leur répartition. Ces éléments sont toujours à la base du projet de recherche que j’effectue.